Souffrant de narcolepsie, Janus voit sa vie s'écrouler petit à petit. Sa femme demande à divorcer et il est viré du journal dans lequel il travaille en tant que journaliste. C'est justement en faisant son travail de reporter qu'il tombe sur une vilaine affaire de cadavres immolés. En enquêtant à ce sujet, il va se retrouver au milieu d'une sombre histoire et ce alors que ses connaissances meurent de manière inexplicable…
Critique de cinéma au sein du journal The Jakarta Post, l'Indonésien Joko Anwar se laisse tenter par un producteur et il va mettre un premier pas dans la confection de films en écrivant une comédie satirique intitulée ARISARI!. Il récidive un peu plus tard avec une comédie romantique, JANJI JONI, dont il assumera lui-même la réalisation. Malgré le gros succès de ces deux premiers films, Joko Anwar va faire un brutal virage en délaissant la légèreté de ton de ses précédents métrages. KALA, aussi connu sous le titre DEAD TIME : KALA, est une œuvre assez curieuse mêlant épouvante, film noir et même, assez vaguement, des éléments d'heroïc fantasy.
Allant un peu à contre courant dans la production locale, KALA ne va pas seulement proposer cet étrange mélange mais va placer son intrigue dans un décor assez particulier. Délaissant le cadre contemporain, assez présent dans les métrages horrifiques indonésiens de ces dernières années, KALA s'inscrit dans un monde hors du temps. Le film ne se déroule donc pas en Indonésie mais dans un pays imaginaire sombrant dans la pauvreté et dirigé par un gouvernement corrompu. KALA s'ouvre d'ailleurs sur un long dialogue entre deux policiers désabusés face à leur sombre quotidien ne présageant rien de bon pour l'avenir. Carrément dépressif, l'univers de KALA ne se rattache pas non plus nettement à une époque particulière. Une partie des décors, des costumes ou des véhicules semblent issus des années 50 sans que l'on puisse pour autant placer avec exactitude l'action à cette époque. Cela n'est pas sans rappeler DARK CITY, surtout que KALA développe dans son intrigue quelques petites similitudes avec le métrage de Alex Proyas. Le film de Joko Anwar est, de toutes façons, imprégné d'un tas d'influences telles que celles des métrages d'épouvante japonais. Ainsi un spectre dans le film a un look très inspiré par celui de RING alors que certaines scènes ou bien la manière d'installer la peur et les effets chocs semblent s'inspirer de la série des THE GRUDGE. A cet effet, le cinéaste indonésien parvient sans mal à créer une poignée de moments flippants au milieu d'autres biens moins probants. Quelques scènes violentes sont aussi plutôt curieuses en mêlant un grand guignol peu sérieux avec des détails dérangeants. Par exemple, la mort d'une femme percutée par un véhicule sur la voie publique débute de manière un peu cartoon, ce qui donne un côté un peu burlesque, mais se clôt par quelques plans bien moins risibles. KALA se lâche parfois dans le gore avec décapitations et autres carnages sanglants à l'image de la découverte d'un massacre où plusieurs personnes se sont fait littéralement écharper.
Ce curieux va et vient entre plusieurs genres ou points de vues se fait aussi sentir dans la façon dont l'histoire est narrée. Et, pour le coup, c'est un peu dommageable puisque KALA met plus d'une heure à installer une ambiance tout en laissant le spectateur dans le brouillard au même titre que son personnage principal. Jusque là, le film impose donc un profond mystère où son personnage souffrant de narcolepsie semble sans cesse se réveiller d'un cauchemar paranoïaque pour mieux le continuer. A moins d'adhérer totalement à cette atmosphère où notre anti-héros se retrouve au milieu de barbouzes dirigés par des membres du gouvernement sans que l'on ne sache pourquoi, quelques longueurs se font sentir. Finalement, dès les premières révélations, KALA s'emballe et devient beaucoup plus enthousiasmant. La révélation sur les morts violentes est, par exemple, plutôt surprenante et le film se permet au passage de brouiller un peu les apparences. Le final est encore plus bizarre en changeant littéralement de ton tout en laissant l'épilogue complètement ouvert vers une inévitable suite. Il est, à ce titre, intéressant de constater que l'une des affiches du film porte la mention «First chapter of Dead Time Trilogy» (soit «Première partie de la Trilogie Dead Time» en français). Pourtant, Joko Anwar travaille actuellement sur un projet totalement différent et une suite ne semble pas vraiment à l'ordre du jour même si une bande dessinée a été faite suite au film. En tout cas, cet épilogue finit d'imposer un aspect résolument mythologique à KALA.
Le film est déjà sorti dans son pays d'origine depuis 2007. Depuis, KALA a fait le tour du monde en étant diffusé dans pas mal de Festivals et en ayant recueilli des avis aussi enthousiastes que très mitigés. Le film de Joko Anwar tranche en tout cas radicalement avec le tout venant de la production cinématographique indonésienne avec une facture très soignée. Un véritable travail a été fait sur l'image qui permet de s'éloigner des autres métrages horrifiques généralement tournés avec une image vidéo assez brute. La plupart des acteurs du film semblent aussi concernés et s'investissent dans leur personnage, ce qui tranche avec la désinvolture de certains films d'épouvante indonésiens. Malgré tout cela, KALA n'est pas un grand film mais s'avère surtout une étrange curiosité.